Tout comme son fondateur, moderne, discrète et avant-gardiste, la maison René Boivin a figuré parmi les plus grandes maisons de joaillerie du XXe siècle, créant des bijoux emblématiques pour une clientèle d'exception. L'innovation, l'imagination et le client étant toujours au premier plan de chaque création.

 

 L’ ATELIER RENE BOIVIN

Jules René Boivin -né en 1864 à Paris- est apprenti chez son frère aîné Victor, à l’âge de 17 ans il apprend à manier l'échoppe et suit conjointement des cours de dessin. Il se révèlera un extraordinaire dessinateur comme un remarquable orfèvre ciseleur.

1893 marque un tournant radical dans la vie du jeune orfèvre joaillier. Héritier d’un esprit entrepreneurial, il s’installe au 38 de la rue de Turbigo après avoir fait l’acquisition de plusieurs ateliers de renom et s’être entouré d’artisans hautement qualifiés. L’originalité de ses créations se caractérise notamment par une extrême qualité d’exécution et de nombreuses innovations techniques telles que systèmes d’articulations, emmaillements et fermoirs invisibles.

Le joaillier était également connu pour ses créations inspirées de bijoux des civilisations anciennes, d’époque mérovingienne ou celtique.

 

UNE FAMILLE D'ARTISTES

C’est également en 1893 qu’il épouse Jeanne Poiret, sœur de l’illustre couturier Paul Poiret et belle-sœur du très réputé dessinateur et décorateur d’intérieur André Groult.

Cette union propulse la maison Boivin dans le cercle des précurseurs de nouvelles tendances et cette dernière devient « la » maison de joaillerie incontournable.

Face à ce succès grandissant René Boivin sera amené à prendre de nouveaux locaux plus spacieux au 27 rue des Pyramides à Paris.

 

 LE SALON

Reconnue par un cercle avant-gardiste qui contemple l’audace de ses créations anti conformiste, très vite, la maison René Boivin s’attire une clientèle aristocratique, fortunée, internationale.

Des liens privilégiés se créent avec de grands artistes tels que Raymond Templier, Gustave et Gérard Sandoz ou Pierre Sterlé lesquels -pour certains- deviendront clients de la maison.

En 1931, Jeanne Boivin s’installe avenue de l’Opéra et confie la décoration de ce nouvel espace à son beau-frère André Groult.

Concomitant de l’atelier, le salon Boivin devient un lieu d'échanges et de rencontres où l'on côtoie célébrités, têtes couronnées et artistes parmi lesquels, Raoul Dufy, Marie Laurencin, Irène de Grèce, la duchesse de Kent, Cecil Beaton, Jean Cocteau, la princesse Faucigny Lucinge, Lady Mendl, Lady Diana Cooper, l’impératrice du Viétnam, Daisy Fellowes et tant d’autres.

Pour Jeanne Boivin, la confidentialité du salon s’inscrit dans un esprit d’exclusivité qui sera l'empreinte de la Maison de joaillerie.

Au fil des années se développe une nouvelle clientèle non moins prestigieuse : Hélène Rochas (ici portant la broche tigre), Millicent Rogers (ici portant la broche « étoile de mer »), Jean d’Ormesson, Diane de Furstenberg, Maura Tierney...

 


La maison Boivin pérennise son héritage par une approche anticonformiste, elle réinvente la perception du luxe. Le bijou n’est plus un symbole de richesse lié à la réussite sociale mais un objet d’art rehaussant la personnalité de celle ou celui qui le porte.

 

L’ATELIER DES DAMES

Jeanne Boivin est une femme courageuse, forte et ouverte d'esprit, elle reprend l'entreprise de son mari après un décès prématuré en 1917, alors même que son fils s’éteint l’année suivante. Malgré cette tragédie personnelle, elle est déterminée à continuer pour le bien de sa famille comme de ses employés. Elle restera à la tête de René Boivin jusqu'à sa retraite en 1954 présidant une entreprise qui encourageait le travail des créatrices de bijoux, à une époque où l'industrie était essentiellement dominée par les hommes.

 


Suzanne Vuillerme entre chez René Boivin en 1919 comme dessinatrice modéliste. Dès 1924 -alors qu'elle n'a que 24 ans- Jeanne Boivin lui réitère sa confiance en la nommant co-directrice de la maison, cette même année elle épousera Jean Belperron.

Ses créations s'opposent au style Art Déco, les formes comme l’association des matières plus ou moins précieuses s’avèrent inhabituelles ; ses bijoux se veulent sensuels, généreux, volumineux en accord parfait avec la femme moderne.

En couverture des magazines, les bijoux Boivin subliment les tenues de Lucien Lelong, Elsa Schiaparelli, Madeleine Vionnet ou Coco Chanel de par leur présence aussi singulière que raffinée. De nombreuses créations de Suzanne Belperron pour René Boivin auront une influence significative sur le cours de l'histoire de l’art de la joaillerie au 20ème siècle.

En février 1932 Suzanne Belperron quitte la maison Boivin pour rejoindre Bernard Herz célèbre négociant en pierres.

Juliette Moutard rejoint alors l'entreprise en 1933, dessinatrice de formation, elle orientera progressivement René Boivin vers des thèmes plus naturalistes tels que la faune et la flore qui deviendront un des reflets du nom Boivin. Par ailleurs, les thèmes indiens, plus connus sous le nom de « collection hindou », illustrent eux aussi l’œuvre de Juliette Moutard pour René Boivin, tout comme la « passementerie » qui inspira bon nombre de ses créations.

Juliette Moutard restera fidèle à la maison durant presque quarante années et prendra sa retraite en 1970.

Marie-Caroline de Brosses est alors engagée chez Boivin, c’est en 1970 que la jeune créatrice âgée de 21 ans -fraichement diplômée en architecture-  prendra le relais de Juliette Moutard. Sa fraicheur insuffle un vent de nouveauté dans la maison, elle introduira des créations dans l’air du temps proposant des dessins plus simples et plus épurés. En quête perpétuelle de nouvelles formes, de nouveaux matériaux et de dispositifs innovants, Marie Caroline de Brosses aimait tout particulièrement les bijoux dotés de mécanismes permettant de dissimuler les pierres tels ses fameux bracelets à cachettes.

Après quelques longs séjours d’intermittence à l’étranger sa carrière chez René Boivin se conclura à la fin des années 1980.

Sylvie Vilein sera, pour la maison Boivin, la dernière dessinatrice du XXe siècle, engagée en 1989, elle dessinera jusqu'en 1999.

Joaillière de formation Sylvie Vilein travaille quelques années en atelier sur des maquettes de bijoux, sitôt embauchée chez René Boivin elle se consacre au dessin uniquement. Son œuvre se caractérise par la qualité et la finesse de son pinceau, elle a le talent de pouvoir transposer le bijou sur le papier avec une dextérité inégalable. Elle sera une adepte des bijoux techniques comme la fleur de trèfle ou des montres coulissantes, elle est également la créatrice de la pieuvre articulée.

Sa formation de Joaillière lui concède une complicité toute particulière avec les ateliers.

Fidèle à la puissance de création comme au style de René Boivin, l’atelier des dames -à l'avant-garde des nouvelles idées en matière de joaillerie- s'est forgé une réputation pour son extraordinaire savoir-faire et ses bijoux articulés ou transformables. Le travail était une passion pour ceux qui travaillaient chez Boivin à l’heure où le temps n'était pas un obstacle à la réalisation de belles pièces.

 

AUJOURD'HUI

René Boivin a été vendu en 1975 par les sœurs Boivin à Monsieur Perrier  -diamantaire- pour sa fille Françoise, épouse de Jacques Bernard, directeur de la boutique à l'époque. Cette dernière lui cédera ses parts en 1989 et c’est en 1991 que Jacques Bernard vendra René Boivin à la célèbre maison londonienne Asprey.

Puis, après quelques années de production très « exclusive » c’est G. Torroni SA qui en a fait l’acquisition en 2019.

Désormais, c’est Thomas Torroni-Levene qui, passionné par l’histoire de cette grande maison, remonte le temps à travers les archives et préside le comité Boivin -lequel authentifie et certifie les pièces et bijoux de la maison souvent non signés-.

Un livre en cours de préparation -dont la publication est annoncée sous la plume de l'historienne Juliet Weir-de La Rochefoucauld et de Thomas Torroni-Levene- devrait voir le jour en 2025. A cet effet nous vous invitons à nous contacter afin de pouvoir photographier et reproduire dans l’ouvrage toutes pièces inédites produites entre 1900 et 2000.